« Si donc on écarte du pacte social ce qui n’est pas de son essence, on trouvera qu’il se réduit aux termes suivants. Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous en recevons en son corps chaque membre comme partie indivisible du tout.
A l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée à de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté.
Cette personne publique qui se forme ainsi par l’union de toutes les autres prenait autrefois le nom de Cité, et prends maintenant celui de République ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres Etat quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables.
A l’égard des associés ils prennent collectivement le nom de peuple et
s’appellent en particulier Citoyens comme participants à l’autorité souveraine, et Sujets comme soumis aux lois de l’Etat. »
Jean-Jacques Rousseau Du contrat social, Chapitre VI Du pacte social.
« La France de tous nos forces » c’est ce pacte social renouvelé, c’est la République cette personne publique qui doit se reformer par l’union de toutes les autres.
La solidité de ce pacte social, de ce contrat suprême nécessite avant tout de tenir ferme sur les exigences de laïcité, d’égalité de tous face à la Loi, d’Etat impartial, d’accès de tous notamment à l’éducation, à la santé, à la culture, au logement, à la Justice,….
Ceci afin d’éviter notamment les tentations des replis sur les diverses formes d’intérêts particuliers, allant par exemple des corporatismes au multiculturalisme, et bien sûr aux intérêts exagérément partisans au détriment du bien commun…
Ce pacte comme tout contrat repose sur des valeurs (auxquelles je préfère le terme d’exigences) essentielles pour tout démocrate : la liberté (de consentement), la solidarité (entre les co-contractants), la responsabilité (répondre des engagements pris), le respect (de la parole donnée et des autres contractants).
Le tout ne peut donc pleinement se réaliser sans une indispensable confiance (nous y reviendrons).
Les démocrates doivent donc être de fidèles gardiens de ce Pacte social, de la République.
Il ne faut pas en effet opposer les Républicains qui seraient seuls dépositaires de la vision que représente notre République et les démocrates qui seraient à cet égard des relativistes toujours en train de déconstruire et de reconstruire au grès des débats ce que Rousseau nomme « la volonté générale ».
Les démocrates du MoDem se doivent d’être des défenseurs de la République.
Un pacte social renouvelé et consolidé est le garant d’un Etat plus fort au sens de plus légitime pour définir et appliquer des lois elles mêmes plus justes et « démocratiques ».
Plus le pacte social se fissure, plus l’Etat est tenté par l’agitation et « la gonflette » pour cacher sa faiblesse et il est de ce fait souvent perçu comme autoritaire ce qui accroit encore la défiance parmi les citoyens les plus soucieux du bien commun.
Parce qu’il se doit d’intervenir en regénérateur de confiance entre les citoyens, et, entre les citoyens et l’Etat, le MoDem peut se faire le défenseur de modes de régulation politique, économique et sociale davantage basés sur le dialogue et le contrat.
« Entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère » reprend t’on souvent de Lacordaire pour justifier l’intervention de la loi notamment comme mode de régulation économique. Il serait plus juste peut-être d’indiquer que c’est la « loi de la jungle » qui opprime et « la règle que l’on se donne et que l’on accepte» qui libère.
Une loi inique, une loi injuste, une loi élaborée sous l’emprise des passions humaines, surtout si elles sont motivées par la défense d’intérêts particuliers ne semble ni libératrice pour « le peuple » (qui reste enchainé à ses passions) ni même fondamentalement pour ses « bénéficiaires », les faibles.
Si la loi est adoptée sans leur participation elle n’est pas non plus émancipatrice pour eux, parce qu’elle sera ou pourra être (soyons optimistes) non conforme à leur dignité et à l’esprit de responsabilité qui doit animer tout citoyen.
A ce sujet le témoignage de Marie-Agnès Fontanier Responsable du réseau
Animation France au Secours Catholique à propos des exclus, des « sans voix » est éclairant : « Ces personnes souffrent avant tout du sentiment de ne pas compter pour la société, de ne pas être considérées, sinon comme des assistés, elles l’expriment fortement. Or il y a un en jeu démocratique pour notre société à retisser des liens entre des groupes sociaux divers, à leur permettre de s’enrichir mutuellement et à découvrir les idées, les propositions, les initiatives de ceux qui ne sont jamais pris en compte. Nous refusons une société qui se passerait de la contribution de certains de ses membres !».
Donc dans la phase d’élaboration de la loi, de son application et également de son évaluation (l’évaluation rare et imparfaite des lois est une plaie profonde de notre démocratie), le MoDem doit mettre en avant des approches amenant l’ensemble des citoyens, et notamment « les parties prenantes » à un dossier à rechercher des modes de régulation :
– co-construits pour éviter les impasses sur des points importants pour l’une ou l’autre des parties et le « rejet » qui s’ensuivrait de la loi ainsi élaborée,
– s’appuyant sur des diagnostics partagés (ce principe est admis dans notre pays jusqu’à ce que l’on tente d’en dégager des pistes d’actions prenant en compte l’intérêt général, comme par enchantement le diagnostic au moins partiellement partagé redevient partiel ou partial pour certains et des tonnes de rapports tous plus ou moins biens informés dorment désormais tranquillement dans les placards de la République),
– la construction patiente d’une liste d’actions prioritaires puis de l’orientation de ces actions,
– l’élaboration d’indicateurs de suivi de l’efficacité de(s) l’actions(s) envisagée dans
l’esprit de la mesure de la satisfaction du bien commun qui doit régner.
Il appartient évidemment à la loi d’encadrer et de conférer à ces démarches basées sur le dialogue et le contrat (comme par exemple la négociation sociale) un caractère équitable c’est-à-dire chaque fois que cela est nécessaire à introduire une certaine inégalité dans les contrats au bénéfice « des faibles » en leur accordant des avantages, des efforts financiers, des protections, etc… plus importants « qu’aux forts ». Mais que tous les membres du peuple s’engagent ensemble et vis-à-vis de l’Etat dans le cadre de « contrats » semble une démarche propre à renforcer le civisme au détriment d’un étatisme dans lesquels les notions de droits et de devoirs ont trop souvent du mal à s’équilibrer.