Exigence civique (proposé par Babette et qq autres)

Proposé par Babette

Bonjour à tous !
Pour commencer voici un article de F. Bayrou que je viens de publier avec quelques autres sur mon blog Babette17 et dont le titre est : Exigence civique.

Pour ceux qui ne l’aurait pas lu, le voici :

Le projet démocratique est d’abord un projet d’exigence civique. Il se fait du citoyen l’idée la plus haute et la plus exigeante. Marc Sangnier en a proposé en 1907, il y a exactement un siècle, une définition qui me semble indépassable : « La démocratie est l’organisation sociale qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité civiques de chacun. »

Cette affirmation magnifique dépasse, et de loin, la seule attribution du pouvoir par le vote des citoyens. Elle revendique, non pas une intervention électorale épisodique, signature de chèque en blanc à des gouvernants dont le seul engagement est de revenir devant le suffrage universel à intervalles réguliers, mais une politique de vérité, d’éducation civique générale, d’information et de formation, destinée à porter le citoyen au niveau d’un décideur. Elle abolit ainsi le gouffre éternel entre « ceux qui savent » et « ceux qui ne savent pas » qui est le fondement et la justification de toutes les oligarchies et de leur forme moderne, les technocraties.
La démocratie ainsi définie pouvait paraître, il y a cent ans, une utopie; elle portait sans aucun doute en elle une dangereuse « chimère » vouée à remettre en cause l’ordre établi des choses, castes et classes comprises. C’est ainsi qu’elle fut d’ailleurs condamnée par la fameuse encyclique de Pie X et combattue par Charles Maurras.

Aujourd’hui où elle est encore un idéal, elle est pourtant en même temps devenue une nécessité. Mais elle ne peut s’imposer qu’au terme d’un combat, âpre, sans doute de longue durée, tant sont puissants les intérêts qui veulent le contrôle politique absolu de la société et paraissent irrésistibles les moyens de gouverner l’opinion dont ils disposent.

Mais, aussi difficile que soit le combat, deux impératifs rendent à mon sens certaine son issue.

Le premier est un impératif d’efficacité : en démocratie télévisuelle, comme nous sommes, les grandes évolutions de la société ne peuvent être que consenties.
Cela vient en particulier de ce que la manifestation massive, le refus des citoyens, les incidents qui les accompagnent, ne sont pas supportables dès l’instant qu’ils se trouvent photographiés et filmés. Si le pays, massivement, n’accepte pas une réforme, il a tous les moyens de lui opposer son veto.
Or ce consentement de l’opinion ne peut être acquis que par une maturation conduisant à une adhésion ou au moins à une abstention bienveillante des citoyens.

En démocratie représentative, ce consentement ne peut se construire que sur la confiance des citoyens à l’égard des gouvernants. Et la confiance ne peut s’obtenir durablement si les gouvernants ne font pas partager de manière transparente leurs raisons, tenants et aboutissants aux citoyens attentifs.

Aucune réforme ne sera acceptée, en dehors des « états de grâce », si les citoyens n’en sont pas avertis, n’y sont pas préparés et associés. Ils refuseront de se fier aveuglément à leurs dirigeants. Ils ont besoin d’avoir les yeux ouverts. Ils exigent qu’on ne leur fasse pas prendre des vessies pour des lanternes.

C’est ainsi que seront à terme durement jugés par les citoyens les pouvoirs dont la conquête a été fondée sur la multiplication de promesses intenables, que la réalité sera venue cruellement démentir. La crédibilité des engagements, leur cohérence, sera une pierre de touche pour le rapport entre pouvoir et citoyens.

D’autant que la révolution de la connaissance a pénétré la sphère démocratique comme elle a pénétré toutes les autres activités humaines. Internet a ouvert à tous les citoyens les portes et les coffres des bibliothèques, des archives, des centres d’études, des think tanks, qui étaient jusque-là réservés au petit nombre des initiés.

La grande aspiration de l’humanité à l’information ne sera plus jamais bornée. Cette information sera immédiate et universelle ; et sa qualité
(assez souvent sujette à caution) ne cessera de s’améliorer au fur et à mesure que sera rendu plus dense le réseau de ceux qui l’élaborent et la contrôlent instantanément. Ces citoyens aux yeux ouverts ne se laisseront priver d’information sur aucun des grands choix qui gouvernent leur vie.

Ainsi la démocratie n’est pas seulement un idéal, un horizon pour utopistes, elle est désormais une nécessité et peut-être même une fatalité.

Mais il n’y a de souveraineté du citoyen, en marche vers la conscience et la responsabilité, que si les institutions qui gouvernent son organisation sociale et politique sont construites en conséquence.

La question de l’espace de souveraineté du citoyen, de sa part de pouvoir sur la société où il vit, nous ramène de plain-pied aux grandes philosophies de la démocratie.

Pour protéger le citoyen de l’arbitraire, pour lui rendre à tout instant sa part de souveraineté, il faut le garantir contre un pouvoir forteresse, fermé sur lui-même, ne dépendant de rien d’autre que de la décision d’un seul, ou d’un seul groupe.

Il faut que le pouvoir soit organisé de telle sorte qu’il protège aussi contre le pouvoir.
François Bayrou.

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