Crise sociale : et si on essayait le respect?

Ce billet aurait pu s’intituler « petite voix d’outre-tombe du dialogue social ».

Petite car dans le tumulte actuel sur les questions sociales il est difficile de faire entendre un discours sans doute un peu trop décalé, même si centré sur le même objet, à savoir les conséquences tragiques au plan humain et pour le plus grand nombre  d’une crise économique, résultat de l’incurie d’une minorité !

D’outre-tombe du dialogue social, car dans notre pays, un dialogue social digne de ce nom à bien du mal à exister, laminé qu’il est d’une part, par le dialogue quasi permanent entre le Peuple et le Pouvoir exécutif et, d’autre part, dans un culte de ce que l’on appelle « le mouvement social » (alors que pour les sociologues, pour dûment porter ce nom il conviendrait qu’il ait un débouché politique, ce qui en France relève jusqu’à présent de la quadrature du cercle).

Bref, vous l’aurez compris, les propos qui vont suivre sont empreint d’un « optimisme de la volonté » teinté d’une grande inquiétude à sortir par le haut dans cette crise sociale. D’où l’accent mis sur le respect car il semble beaucoup faire défaut pour un traitement efficace et durable des difficultés d’ordre économico-social dans notre pays!

Respect tout d’abord envers les victimes des difficultés économiques et sociales.

La polémique récente autour du rôle des militants du NPA dans ces affaires tombe à pic pour rappeler que les catastrophes économiques et sociales comme les catastrophes naturelles doivent d’abord et surtout faire l’objet de mesures de prévention, puis lorsqu’elles surviennent, de mesures de secours d’urgence et, enfin, de révision des mesures de prévention (lorsque celles-ci ont failli) plutot que de prophètes de malheurs répétant à l’envie « on vous l’avait bien dit » !!!

Ce respect des victimes passe aussi par l’évaluation fine et juste de leur situation en s’attachant à mesurer avec précision la nature et l’ampleur de leurs difficultés pour y répondre. A cet égard, les passes d’armes entre MM Chérèque et Thibaut au sujet du caractère prioritaire de l’emploi ou du pouvoir d’achat ont un côté surréaliste tant il devrait pouvoir être aisé tant au niveau des partenaires sociaux que des pouvoirs publics de déterminer ce genre de priorité (c’est un ancien chômeur qui écrit) et leurs inévitables variantes.

Sans être toujours bien orienté, notre appareil statistique national, et nos instituts spécialisés dans l’étude des questions socio-économiques délivrent chaque année de nombreux rapports et études dont les données sont vites oubliées des responsables à la première occasion d’en découdre d’un point de vue « idéologique » ou « politique » (les deux termes étant utilisés d’ailleurs dans le mauvais sens du terme, tant le renouvellement des idéologies et des pratique politiques font défaut). Les exemples abondent, dont par exemple récemment sur la question de la relance du pouvoir d’achat et les statistiques relatives aux travailleurs pauvres.

Bref les victimes ont donc besoin d’action politique assise sur des constats le plus largement partagés et patiemment construite sur la base de la réalité (chaque partie ayant sa grille d’analyse de celle-ci propre, les idéologies sont en ce sens utiles et légitimes) telle que les débats, tripartites (Etats / Employeurs / Syndicats) si besoin, auront pu permettre de l’appréhender avec le plus de justesse possible.

En ce sens l’approche du dialogue social dite de « l’accord de méthode » est un bon outil qu’il serait peut être utile de généraliser. Le trop fréquent dénigrement d’ailleurs de l’utilisation de cet outil de recherche de compromis et de solutions concrètes et pérennes en dit long d’ailleurs sur l’état du dialogue social dans notre pays.

Respect ensuite des acteurs du dialogue social.

Les déclarations de François Chérèque sur le mélange des fonctions entre responsables politiques (qui se comporteraient comme des délégués syndicaux) et syndicalistes au sein des entreprises en difficultés pointent une des difficultés du dialogue social en France : le manque d’autonomie des « partenaires sociaux » par rapport aux pouvoir exécutif et à l’Etat. In fine cette difficulté pèse dans le manque d’efficacité du dialogue social à l’apport de solutions dans la résolution des crises.

Celle-ci va d’ailleurs de pair avec un autre drame social qui frappe durement notre pays, la perte des liens sociaux et la dégradation du « vouloir vivre ensemble »; mal qu’au passage la bipolarisation de la vie française qui organise la vie politique comme un champ de bataille tends à aggraver. Il nous semble essentiel à cet égard de faire de la reconstruction de ce lien social une nouvelle frontière pour notre pays, et donc pour le MoDem !

En effet, ce n’est pas un hasard si, dans les pays scandinaves, la vigueur, la maturité du dialogue social  et l’autonomie et donc le respect mutuel dont les partenaires sociaux font preuve est un puissant amortisseur aux conséquences des difficultés économiques et sociales dans ces pays.

Comme l’a noté Philippe Frémaux « Le modèle danois (…) c’est d’abord faire société ensemble : c’est affirmer concrétement qu’il nous faut gagner tous ensemble, sans laisser personne au bord de la route ». C’est la longue tradition de dialogue, de partenariat, de confiance sociale danoise. Or comme l’indiquait Marie-Louise Knuppert Sécrétaire Générale de la Confédération syndicale danoise LO « le tripartisme pierre de touche du modèle danois avec une concertation permanente entre employés, employeurs et pouvoir public, n’existe pas dans votre législation. N’en déplaise à vos partis, la solution danoise, encore une fois, ne peut
être plaquée en France »
. (NO n°2276 du 19 au 25 juin 2008).

Ce « vouloir vivre ensemble » pour reprendre l’expression d’Alain Touraine, ce respect du contrat social et de l’autonomie des « corps intermédiaires » est ce qui rend possible la mise en place de ce niveau de dialogue dans le cadre duquel chaque acteur de la vie politique et sociale se respecte et peut chercher des compromis (Madame Knuppert parle de « culture du compromis ») acceptables par tous.

Effectivement, peut être ne faut t’il pas rêver dans notre capacité collective à adopter cette « culture du compromis », souvent perçu comme un gros mot et trop souvent confondu avec la compromission alors qu’il signifie simplement « accord avec des concessions mutuelles » (ce qui n’est finalement que ce que tout le monde pratique au quotidien dans de multiples domaines y compris pour les révolutionnaires les plus radicaux, à l’exception peut être des ermites :-))

Comme le réclament d’ailleurs souvent eux-même les partenaires sociaux (organisations d’employeurs et syndicats de salariés), est-il impossible de mettre en place  une vraie et totale subsidiarité pour traiter une liste de questions économico-sociales dont le périmètre serait défini ?

Cette délégation totale et sans possibilité pour les Pouvoirs publics de remettre en cause les accords alors conclus aurait sans doute pour mérite de renforcer concrétement le rôle des partenaires sociaux, et sait-on jamais, subsidiairement de clarifier dans l’opinion les rôle des politiques qui est d’élever le niveau de conscience et de responsabilités de citoyens et d’organiser notamment la cohésion sociale d’une Nation, et celui des partenaires sociaux qui est de définir les modalités dans lesquelles le progrès économique et social peut être préservé ou développé.

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